La mort d’Ebrahim Raissi : signe précurseur de l’effondrement d’un régime autoritaire ?

Ce tragique accident fait trembler l’Iran ; il est l’objet de multiples spéculations, le régime ayant pris un tournant de plus en plus autoritaire au fil du temps. Rappelons que cet accident a eu lieu au moment où devaient se dérouler les élections législatives le 28 juin et qu’Ebrahim Raïssi était pressenti pour remplacer Ali Khamenei, le Guide suprême, alors âgé de 85 ans. Sans parler de la guerre à Gaza, dans laquelle Téhéran soutient les armées pro-palestiniennes.

Cinq jours après cet accident, l’Iran a décrété le deuil national. Les funérailles se sont poursuivies tout au long de la semaine, alors que le vice-président Mohammad Mokhber assure l’interim jusqu’à l’élection présidentielle du 28 juin. 

Dans ce contexte politique tendu, l’armée iranienne a publié un rapport jeudi 23 mai rejetant l’hypothèse d’un acte criminel dans le crash.

Ebrahim Raïssi était connu de la population comme le « bourreau de Téhéran », appartenant à la frange la plus répressive du régime. Très peu d’iraniens le soutenaient, notamment en raison de son appartenance au « comité de la mort », responsable de l’exécution d’environ 4000 prisonniers politiques. 

Tout l’enjeu est de savoir si la mort du président va permettre à l’Iran de connaitre un second souffle et de prendre un tournant moins orienté vers la théocratie. D’abord, rappelons que celui qui détient le véritable pouvoir en Iran n’est pas le président mais bel et bien le guide suprême, l’ayatollah Khamenei. Cela vous étonne ? Revenons-en à la naissance de ce régime. 

1978 : « la République islamique d’Iran » est proclamée. L’ayatollah Khomeyni instaure les fondations d’un régime théocratique et autoritaire. D’une part, la loi islamique repose sur la charia et, d’autre part, les institutions qu’elles soient politiques, judiciaires, militaires ou encore médiatiques sont sous l’autorité du Guide suprême de la Révolution islamique. A la mort de Khomeyni en juin 1989, cette fonction est assumée par l’ayatollah Khamenei. Ce nouveau régime remplace l’Etat impérial d’Iran de la dynastie Pahlavi. Se construit alors un régime hybride revendiquant une double légitimité, à la fois religieuse et populaire.

Dans ce nouvel ordonnancement, le Guide suprême a la pouvoir de déterminer la politique du pays. Il détient de facto les pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires. C’est lui qui a le contrôle des armées et de la justice avec le pouvoir de décider de la guerre. Notons, en outre, qu’il contrôle les gardiens de la Révolution ; l’armée idéologique iranienne qui se charge d’assurer la sécurité intérieure, et dispose de l’autorité de réprimer les manifestations. La Basij est l’aile paramilitaire qui peut l’épauler. De cette façon, le président dispose d’un rôle de second plan vis-à-vis du guide suprême. 

Cependant, plus le régime s’implante, plus il prend un tournage répressif.

13 septembre 2022 : une jeune étudiante, nommée Mahsa Amini, trouve la mort sous le coup d’une arrestation pour « port lâche » de son hidjab. Cet événement entraîne un vent de contestations qui souffle partout en Iran. Pendant un an le pays a connu une vague de révoltes et de manifestations entrainant une répression sans pitié par le régime. Cet évènement signe la naissance du mouvement « Femme, vie, liberté ! ».

Mois de mars 2023, c’est quelques 5 000 élèves qui sont victimes d’intoxications d’un gaz toxique dans plus de 200 écoles de filles à travers tout le pays. 

En somme, le régime iranien a pris un tournant répressif sur le plan des droits de l’homme. Ce bilan chaotique s’exprime aussi sur le plan économique avec une inflation en flèche, un taux de chômage plus élevé que les années précédentes et une dépréciation de la monnaie iranienne. Sans compter la promesse non tenue sur la construction de logements sociaux. 

En pleine guerre au Moyen Orient, l’avion d’Ebrahim Raissi revenait de prendre congé du président azerbaïdjanais Ilham Aliev, auquel il avait rendu visite sur les bords de l’Araxe, rivière qui traverse la frontière entre les deux pays. La discussion portait sur l’inauguration d’un barrage de retenue qui revendiquait la coopération dans la production d’électricité.

Dans ce contexte, cet accident est une mine d’or pour les complotistes qui pourraient voir dans cet évènement la piste d’un attentat commandité par les ennemis du régime. A ce jour, il s’agit selon les éléments de l’enquête d’un accident dû à de mauvaises conditions météo, et avec un hélicoptère de fabrication américaine. L’Iran est pourtant un acteur clé dans la région et dans les conflits géopolitiques en cours. Il est le parrain de certaines personnalités qui prennent part aux actuelles guerres : celle que mènent les Houthis du Yémen ; celle qui oppose le Hezbollah libanais à Israël. Sans oublier le soutien qu’apporte Téhéran au Hamas palestinien, même s’ils n’ont pas les mêmes liens historiques.

Cette situation est à double tranchant. Soit le pays saisit l’occasion d’un rebond pouvant conduire à une démocratie, soit il signe une véritable fuite en avant avec un durcissement de la répression. 

Nous aurons sans doute le début de notre réponse dès le 28 juin prochain !

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