
Kofi Annan, un parcours de plus de 40 ans au sein de l’ONU
Cet article s’intitule « Kofi Annan, un parcours de plus de 40ans au sein de l’ONU » rédigé par Chloé Maurel, historienne française. Il est paru dans Cahiers d’Histoire, une revue d’histoire critique et a été publié le 01 juillet 2019. Cette agrégée d’histoire et docteur en histoire contemporaine est chercheuse à l’IMHC, CHCSC ainsi qu’au SIRCE. Elle se révèle être une spécialiste de l’histoire de l’Organisation des Nations unies et de l’histoire dans sa globalité. Cet article se concentre sur les différents jalons progressifs du combat de Kofi Annan au sein de l’Organisation des Nations unies dans les différents postes qu’il a pu occuper. Cette revue d’histoire se veut engagée avec un recul critique sur les actions menées. Quel constat peut-on tirer de ses deux mandats ? et avec quelle(s) avancée(s) pour le monde d’aujourd’hui ?
Une formation polyglotte
Le ghanéen Kofi Annan se lance dans de longues études à la fois dans son pays d’origine (Côte de l’or) mais aussi aux États Unis dans le Minnesota dans une université davantage orientée vers l’internationalisme. Mais ce n’est pas tout, il décide d’achever ses études à l’institut des hautes études internationales en suisse car il a auparavant obtenu une bourse pour la paix internationale. Ainsi ce jeune prometteur se réserve l’apprentissage de plusieurs langues africaines ainsi que l’anglais et le français.
Embauché a 24ans a l’OMS
A 24 ans le jeune travailleur décroche un poste a l’OMS. Son ascension progressive lui permet d’obtenir des postes de plus en plus importants au sein des nations unies. Ce dernier est animé par la soif de découverte et d’apprentissage. Grace à la diversité de son parcours, il est devenu chef de personnel puis gouverneur en passant par la direction de la division du budget. On notera qu’en 1990 il est nommé secrétaire général adjoint dans la gestion du budget et de la finance.
Une expérience de terrain réussie en Irak, mais un grave échec au Rwanda
En 1990 a lieu une prise d’otages organisée par Saddam Hussein. Le secrétaire général de l’ONU envoie le prometteur Kofi Annan pour qu’il contribue au rapatriement. C’est une véritable réussite pour celui-ci qui entreprend la libération et l’évacuation des otages par avion.
Cependant, bien au courant du génocide du Rwanda, Kofi Annan est resté les bras ballants sur cette situation ce qui lui a couté de nombreuses critiques au même titre que les Etats unis, le Royaume-Uni et la Belgique. Quelques années plus tard il reconnait le fait qu’il aurait dû agir et vit avec une once de culpabilité mais il s’est contentait de proposer une réunion avec le président du Rwanda.
Une gestion habile de la fin de la guerre en ex-Yougoslavie
Annan est désigné pour gérer la guerre en ex-Yougoslavie où le but est d’appliquer l’accord de Dayton lequel est fondé sur le maintien de la paix et a effectuer le passage de la force de protection de l’ONU a l’OTAN. Sa popularité et sa réussite lui permettent d’être élu secrétaire général en 1996 à l’unanimité par le conseil de sécurité et par acclamation de l’assemblée.
Le premier secrétaire général de l’ONU originaire d’Afrique subsaharienne
En 1997, il érige un programme détaillé de réformes a objectifs multiples. En effet il s’agissait de rationaliser l’action de l’organisation et d’augmenter les capacités d’action de l’ONU en s’appuyant sur les ressources existantes. Ce train de réformes est validé par tous et satisfont les États-Unis.
Une action énergique en Irak
Suite à de nombreux désaccords au sujet de la potentielle présence d’armes de destruction massive, c’est Annan lui-même qui décide de se rendre en Irak. C’est à nouveau une réussite car cette visite aboutit à l’acceptation par l’Irak de se soumettre aux inspections. En 1998, dans le discours fait au Royaume Uni Annan affirme que l ’ONU est légitime à intervenir dans un État si ce dernier est incapable de protéger sa population. L’idée sous-jacente qui se dessine est « la responsabilité de protéger »
La publication de plusieurs rapports programmatiques
A partir de 1999, une série de rapports sont publiés : un rapport sur les massacres, une commission sur le Rwanda, ainsi qu’un rapport sur le rôle des nations-unies « nous les peuples ». Ce dernier se déroule sur quinze ans (OMD). Un an à peine après la remise des rapports sur Srebrenica et sur le Rwanda, la prise en otage de Casques bleus en Sierra Leone a fait prendre conscience au Secrétariat de l’urgente nécessité d’entamer une telle réflexion : le rapport Brahimi dans lequel est discuté le maintien de la paix.
Réelu par acclamation pour un second mandat et prix Nobel de la Paix en 2001
En octobre 2001, l’ONU ainsi que Kofi Annan reçoivent le prix Nobel de la Paix. Néanmoins, lors des attaques du 11 sept 2001 les cartes sont redistribuées et l’ONU est amené à être de nouveau marginalisée.
L’ONU marginalisée suite au 11 septembre 2001
En 2003, les États- Unis envahissent l’Irak, sans mandat de l’ONU, au motif de connexions entre Saddam Hussein et Al-Qaïda. Annan est désemparé et pour ne pas perdre la face il envoie une mission onusienne en Irak. C’est alors qu’une voiture piégée explose au siège de l’ONU à Bagdad – véritable traumatisme.
Kofi Annan irrite les Etats-Unis
En 2004, Annan prononce un discours en appelant au cessez-le-feu. Bush est d’autant plus irrité par ce discours, qu’il pourrait, selon lui influencer les élections présidentielles américaines. De surcroit, un scandale de corruption fait surface mêlant le fils de Kofi Annan dans des affaires frauduleuses.
Des rapports visionnaires sur l’avenir de l’ONU
Kofi Annan est partisan d’une meilleure gestion et médiatisation de l’ONU. A cela, il souhaite ajouter un caractère démocratique à l’ONU et à accorder une importance particulière aux acteurs non-étatiques qui devraient prendre part aux débats ce qui lui a été beaucoup reprocher. De plus, il met à nouveau, sur le devant de la scène le principe de « responsabilité de protéger ». En 2006, un Conseil des droits de l’Homme est créé à l’initiative de Annan.
Des projets de réformes et de restructurations d’envergure, mais non aboutis
L’idée d’une paix durable sur le long terme est accentuée. Elle va se concrétiser par la Commission de consolidation de la paix. Kofi Annan a la forte ambition d’élargir le Conseil de sécurité afin de le rendre le plus représentatif possible mais cela s’avère impossible malgré les solutions proposées, au plus grand regret de Annan. Les 5 membres permanents s’y opposent catégoriquement. Afin de réformer le fonctionnement administratif de l’ONU, Annan s’inspire de la théorie du new public management qui s’apparente aux méthodes du secteur privé. Cette erreur lui a causé beaucoup de critique car il est inenvisageable d’associer privé et public a une organisation telle que celle des Nations Unies.
Le lancement des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) en 2000
Les objectifs du millénaire ont été largement inspirés de la pauvreté et des maladies telle que le sida. Ainsi, 8 objectifs relatifs à ce thème sont inscrits dans l’OMD.
Un rapprochement très critiquable avec le secteur privé
Kofi Annan instaure une proximité entre l’ONU et les entreprises privées qui offre à ces dernières un pouvoir de décision a l’ONU. En contrepartie elles doivent respecter les 10 principes des droits de l’Homme. Néanmoins, ce « système » est critiquable car Annan initie « une dangereux proximité avec les firmes multinationales » explique la professeure d’histoire. Somme toute, ce pacte mondial offre « un blanchissement d’image » sans contrepartie témoigne Chloé Maurel.
Un bilan en demi-teintes
Le 31 décembre 2006 Kofi Annan achève son parcours a l’ONU par un discours d’adieux dans lequel il critique la politique étrangère américaine. L’auteure dresse un bilan détaillé du chemin tracé par Annan. En effet, si on regarde les points positifs il a su revitaliser l’ONU et a instauré de bonnes relations avec son entourage. Si on se place de l’autre côté de la balance on peut lui reprocher d’avoir éludé les conflits et surtout d’avoir ouvert les portes de l’ONU au secteur privé, une initiative maladroite. Ce problème est toujours d’actualité et se qualifie par le « corporate capture ».