
Le Brésil, un pays émergent
Cet article s’intitule : « les diplomaties émergentes à l’épreuve de la durée – Réflexions sur l’émergence du Brésil » et a été rédigé par Jean-Jacques Kourliandsky en 2013. Chercheur à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques, c’est un spécialiste de l’Amérique latine et de l’Espagne. Il est également consultant, éditorialiste et auteur. Depuis les années 2000, le Brésil a pris le statut de pays émergeant. L’expression est reprise ensuite par les géopoliticiens qui indiquent par là le passage de « puissance régionale » à celui « d’acteur global » dans le contexte de la mondialisation. Désormais, le Brésil est l’un des plus grands pays émergents occupant maintenant une place stratégique. En effet, le Brésil multiplie les coalitions diplomatiques et possède une place cruciale dans les décisions internationales. Nous pourrons dès lors nous demander si le Brésil parviendra à cristalliser cette position dans les prochaines années.
Le fait de considérer un pays donné comme étant émergent relève d’un néologisme qui peut parfois manquer de précision. Pour considérer réellement un pays comme émergent il s’agit d’établir une succession de faits qui mettront en lumière cette affirmation. A ce titre, une réflexion est engagée depuis 2009 autour de trois grands pays latino-américains, dont le Brésil. Cette approche génère une certaine forme d’inquiétude et fait ressurgir des craintes au niveau international. En effet, les actuelles puissances dans le monde (vainqueurs de la guerre froide) ont compris que de nouveaux acteurs rentraient en jeu.
Ces nouvelles puissances revendiquent de bouleverser les règles et de « redistribuer le jeu international » explique le journaliste. Les puissances émergentes appelés plus communément le groupe BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) sont nées de la montée d’un sentiment de frustration et d’ambition à l’égard des puissances existantes. Tout l’enjeu et la difficulté pour le Brésil d’être une puissance constante réside dans l’existence de bases matérielles qui assurent une forme de pérennité et de crédibilité. Les « émergents » s’offrent tous les moyens pour être au cœur de cercles décisionnels et comptent bien faire entendre leur voix, par exemple au Conseil de sécurité des Nations Unies. Comme nous le fait comprendre l’Histoire, on ne s’attendait certainement pas à voir le Brésil comme une nouvelle puissance émergente aux yeux du monde. Effectivement, la pays a connu une grave crise financière en 1990, a refusé de se doter de l’arme nucléaire, et pour finir, connait les plus grandes inégalités sociales au monde. Pourtant, « L’évidence impose de porter un autre regard sur un pays qui a changé économiquement, socialement et qui pratique une diplomatie active » affirme Jean-Jacques Kourliandsky.
Dix ans d’émergence diplomatique brésilienne
Ces dernières années, le Brésil a participé aux enjeux diplomatiques et économiques mondiaux. D’un point de vue militaire il a su également mettre en lumière son rôle d’acteur. Sur le plan économique, le Brésil a multiplié les initiatives en faveur du commerce international et des concertations innovantes a l’ONU. Au niveau diplomatique il a accéléré le processus des ententes, de coalitions et d’alliances ainsi que des forums. Sur l’aspect militaire, il a réorganisé et modernisé les forces armées. A tout cela s’ajoute sa croissance économique en marche jusqu’à fin 2011. Cette émergence symbolisée par « une diversification qualitative » permet aujourd’hui au Brésil de fabriquer et d’exporter des articles à l’international. En découle une arrivée florissante de multinationales brésiliennes sur le marché. Le Brésil a le réel projet d’être une puissance mondiale voire de bouleverser l’ordre international existant. Mais arrivera-t-il à pérenniser la dynamique de cette politique ? C’est du moins ce qu’affirme Dilma Rousseff début 2011, alors chef de l’État ainsi que son prédécesseur. Mais ne s’agit-il pas de déclarations électoralistes ?
Le temps de l’émergence : la mesure et la notion
La politique extérieure indépendante (PEI) relève d’une « ambition incontestable ». La PEI privilégie l’autonomie et l’émancipation au nom de l’intérêt national. Le marxisme et le « développementaliste » sont aux fondements même de cette politique. Cette dernière se caractérise par une diplomatie professionnalisée, un essor géopolitique (forum de Sao Paulo), une pensée stratégique. Pour les pouvoirs publics, le Brésil est arrivé à maturation. En effet, toutes les politiques (industrielles, militaires,..) mises en place depuis 1940 ont permis l’instrumentalisation diplomatique au nom de la PEI. S’est dessinée petit à petit une image du pays lui permettant un rayonnement international.
L’émergence brésilienne, en marche et en questions
Le Brésil ne va-t-il pas être contraint d’arbitrer entre la consolidation de son économie et ses ambitions globales ? Autrement dit, développer une industrie militaire de qualité et des transferts de technologie peuvent être en corrélation. Grâce à l’interpellation de nombreux historiens et sociologues on peut supposer un lien étroit entre les politiques menées pour gouverner un pays (et sa relation à l’international) avec le profil personnel et l’équation individuelle de l’homme politique. Cependant, on notera une diminution de la croissance du pays qui a, par la suite, entraîné un retard de la modernisation des forces armées. Le pays n’est pas disposé budgétairement a supporter le renouvellement de la flotte aérienne militaire.
Le Brésil pourra-t-il mener de front ses desseins à l’échelle internationale et ceux (de chef d’orchestre) de l’intégration sud-américaine ?
Un empilement de questions viennent noircir le tableau. Savoir si le Brésil réussira à concilier sa coopération avec les États Unis, ses relations avec les pays, notamment ceux d’alliance, mais aussi de conserver ses ambitions mondiales à entrées multiples tout en privilégiant un rapport Sud/Sud. « Le brésil cherche à maximiser ses relations avec le plus large éventail de partenaire » explique de façon très claire le journaliste. Mais cette stratégie vient se heurter au simple fait que tous les pays de la région n’ont pas le même caractère fondamental, et ne sont pas tous convaincus de la cohérence diplomatique. En somme, son objectif s’inscrit dans une démarche mondialisée. Afin de pouvoir répondre aux défis ci-dessus, le Brésil doit de prime abord s’intéresser à l’Amérique du sud et s’assurer qu’elle est intégrée, prospère et en paix afin que ses actions politiques soient d’une plus ample latitude. Ces pays, ont marché dans son sens lorsque il s’agissait de neutraliser l’avancée de la ZLEA. En revanche, le Brésil a réussi à construire le réseau Sud-américain qu’il avait longuement imaginé ainsi que l’Unasur en 2008. Par ailleurs, les voisins du brésil souhaitent tenir à l’écart ce dernier et cela se manifeste par leur présence dans des organisations interaméricaines tandis que le Brésil n’y figure pas (ex : alliance du pacifique). Ses voisins n’hésitent pas à bousculer les choses lorsque que le Brésil tient un comportement jugé impérialiste. A l’exemple du Paraguay qui a rompu des contrats et demandé des renégociations avec le Brésil.
Le Brésil peut-il être accepté par le groupe des pays occupant une position centrale dans les organisations internationales ? Afin de résoudre d’éventuelles crises et contradictions, le Brésil a développé une politique de présence et d’initiative au Proche et Moyen Orient. Pour la Présidente, la diplomatie et le dialogue sont les seuls et meilleurs options. Ensuite, le Brésil s’est battu afin d’acquérir un pouvoir de décision. Le Brésil a engagé une discussion avec le Japon et les États-Unis afin qu’il puisse siéger au conseil de sécurité de l’ONU. Pour l’heure, Les États Unis sont prêts à reconnaitre le Brésil comme un état pivot mais ne contribuent pas à faciliter sa montée en puissance. Le Brésil entretient une multitudes de relations avec l’UE et ses états membres. Mais les malentendus restent nombreux, notamment au sujet de la négociation du traité entre l’Europe institutionnelle et le Mercosur. La puissance émergente se tient donc à l’écart des politiques françaises et britannique en Orient.
La Chine, associée du groupe BRIC, est-elle le joker diplomatique et commercial alternatif, le levier permettant le décollage du Brésil ? A la suite d’une rencontre, la Chine joue la carte de la complémentarité avec le Brésil. En dépit du fait que la Chine ait contribué à l’intégration du Brésil au conseil de sécurité, elle l’enferme dans un « modèle d’échange néocolonial » où elle puise dans les ressources du Brésil.
Le Brésil, comme les puissances établies, pourra-t-il rester dans cette posture de relative indifférence aux grandes questions transversales (droits de l’homme, aide au développement, environnement et rayonnement culturel) qui accompagnent l’expression de l’influence ?
Bien que le Brésil multiplie les initiatives diplomatiques, les retombées ne sont pas toujours celles attendues. A l’exemple, de sa politique à Haïti, vivement critiqué par les ONG.
Émergence brésilienne et émergence globale
En somme, l’émergence se caractérise par plusieurs points : tout d’abord par l’affirmation d’une volonté collective grâce aux référents intellectuels et politiques. Ensuite elle établit un lien entre développement et croissance inscrite dans la durée. Enfin, être en capacité de mobiliser les énergies nationales sur la totalité du territoire. Pour finir, pour répondre à savoir si un pays est une puissance émergente elle doit garantir aux citoyens le respect des règles de convivialité permettant le meilleur fonctionnement possible de la société et de l’économie.
Tous ces facteurs témoignent de l’émergence florissante du Brésil qui se positionne, de ce fait, comme un acteur majeur de la scène internationale. Ce changement de statut se heurte néanmoins aux réticences stratégiques des pays voisins.