À quoi sert un journaliste aujourd’hui ?

Alors que le métier de journaliste s’inscrit dans une conjoncture économique difficile, la fonction évolue également dans un climat de défiance qui nous amène aujourd’hui à nous poser la question de l’utilité de cette profession. De toute évidence la fonction journalistique connaît une remise en cause profonde, notamment avec le développement d’internet dans un premier temps, puis plus récemment avec l’accroissement des réseaux sociaux.

Si l’on devait résumer en un mot la mission du journaliste, informer s’impose comme l’enjeu principal de ce métier. Et c’est précisément au cœur de cette mission d’information que les journalistes sont remis en cause. Avec l’arrivée d’une information gratuite (souvenons-nous du tollé lors du lancement de quotidiens gratuits tels que Métro ou 20 minutes il y a quelques années) et bien sûr la propagation de sites gratuits d’actualité sur Internet, la valeur de l’information a été dégradée, et avec elle le métier de journaliste. Et c’est précisément le paradoxe qui se cache derrière cette interrogation du métier de journaliste :  d’un côté une explosion de l’information plus ou moins gratuite ou bon marché, dégradant la fonction journalistique, et justement d’un autre côté toute la pertinence du métier dans la construction d’une information juste, vérifiée, pertinente, en un mot de qualité, et qui doit rendre à la profession tout son sens et son utilité, notamment dans un processus démocratique, indispensable à nos sociétés.

Le terme informer renvoie alors parfaitement à ses origines étymologiques latines : donner une forme, donner une structure qui signifie quelque chose. A quoi sert un journaliste ? Il sert à informer, c’est-à-dire donner corps à un ensemble d’idées, de concepts, de faits pour en produire un contenu intelligible et éclairant. Le journaliste enquête, assimile, restitue pour ensuite nous aider à comprendre et prendre des décisions : il nous éduque, il nous émancipe. Bernanos disait : Être informé de tout et condamné ainsi à ne rien comprendre, tel est le sort des imbéciles. Saluons le métier de journaliste qui guide et sélectionne, et nous aide à combattre les idées extrémistes de toute nature.

Mais c’est justement dans cette mission de guide que les journalistes sont aujourd’hui remis en cause. En effet, et notamment sous l’impulsion des réseaux sociaux, les détracteurs se répandent désormais sur la toile pour discréditer le métier de journaliste. On n’envisage plus le métier sous l’angle quantitatif d’une information pléthorique mais sous un angle plus qualitatif, résumé par le terme de désinformation. Le journaliste serait vu désormais comme un individu à la solde du pouvoir, relayant une information sélectionnée en fonction des intérêts des gouvernements et de l’intelligentsia. Selon certains, issus de différents mouvements sociaux et politiques, tous aux connotations complotistes, nous serions revenus aux temps de la RTF et de sa mission implicite de journal officiel du gouvernement. Mais nous sommes justement à nouveau face à un paradoxe : c’est précisément la désinformation qui renforce la valeur du métier de journaliste. Cette désinformation, parfois qualifiée de fake news (infox), et répandue à longueur d’URL sur les réseaux sociaux, sait trouver son public et sait se montrer particulièrement convaincante. Elle fait le nid des extrémistes et aliène les masses à l’aide d’une propagande dont le journaliste se doit de nous libérer par son métier et son expertise.

En conclusion, on observe bien qu’au-delà de la forme provocante de la question : à quoi sert un journaliste aujourd’hui, ce sont des enjeux de démocratie et de liberté qui se cachent derrière cette interrogation. Au centre de cette profession, une mission essentielle : informer. Trier le bon grain de l’ivraie dans une dimension quantitative mais également qualitative. Journalisme et éducation se rejoignent alors dans un combat pour nous élever vers la lumière d’une connaissance essentielle pour comprendre et décider.